« Ne voyez-vous pas le problème ? Vous essayez de créer du mouvement. Vous utilisez le mauvais média. »
Cette évaluation de quatre toiles inachevées d’Allan Wargon par George Dunning, qui allait plus tard réaliser Yellow Submarine, a incité Allan, alors artiste débutant, à troquer ses toiles pour le celluloïd. Il réalisera plus de 150 films en tant que scénariste, réalisateur et producteur.
Avant de connaître l’ascension fulgurante qui l’amènera à écrire, réaliser et monter La Grande maison (1951) à 26 ans, Allan Wargon a acquis une gamme d’expériences artistiques éclectiques au cours de ses années de formation et de début de carrière. Après avoir décidé à l’âge de 12 ans de devenir artiste, il obtient son diplôme de la Central Technical High School de Toronto, puis de l’Ontario College of Art. À 21 ans, il occupe le poste de concepteur en chef des présentoirs décoratifs au magasin Eaton de la rue College avant d’obtenir un emploi de niveau débutant en production à l’ONF. Au fil de son parcours, il côtoie des artistes de renom, dont Frederick Varley du Groupe des Sept. La sensibilité du peintre à l’égard du talent créatif d’Allan Wargon ouvre la voie au documentaire Varley (1953), présenté au Festival du film de Venise.
Bien que la tendance d’Allan Wargon à exiger plus que les ressources financières et humaines prévues au budget suscite de fréquents désaccords avec ses supérieurs, il gagne invariablement leur respect une fois le film sorti. Son souci d’authenticité et le respect des engagements pris envers les personnes qui participent à ses documentaires lui valent une loyauté sans faille. Heureux de la fidélité avec laquelle le cinéaste a dépeint le cycle de vie de sa nation, les Cayugas, le protagoniste de La Grande maison, le chef Deskaheh , l’adopte officiellement comme neveu.
Durant l’exercice de ses fonctions à l’ONF et par la suite, Allan Wargon fréquente, à la ville comme au travail, la crème du monde du spectacle, des affaires et de la politique. Les rapports qu’il entretient avec ces élites sont documentés dans son livre de 50 chapitres, railleusement intitulé The Birth of Hollywood North: Nice Idea, but Nothing Good Ever Came Out of Canada (2016).
L’ensemble de l’œuvre d’Allan Wargon fait toutefois mentir cette affirmation. Outre les films cités plus haut, applaudis par la critique, il réalise à l’ONF les productions Lismer (1951), La morue salée (1954), Sable Island (1956), Encounter at Trinity (1957), Wolfe and Montcalm (1957) et Profil d’une nation (1957). À propos de cette dernière œuvre, le célèbre cinéaste canadien Allan King souligne qu’il s’agit du « film de l’ONF ayant suscité le plus grand nombre d’emprunts d’images d’archives ». Quelques années plus tard, Allan Wargon produit et réalise Mr. Piper (1963), une série pour enfants innovatrice de 39 épisodes qui lui vaut un certificat de mérite au Festival de Cannes en 1964.
Après avoir quitté l’industrie cinématographique de Toronto pour la vie rurale près de Shelburne, en Ontario, Allan Wargon s’exerce minutieusement à l’art de la création littéraire avant de rédiger quatre romans et The Birth of Hollywood North.
Et ce ne seront pas là ses derniers mots. Après avoir abandonné à contrecœur la ferme sur laquelle il a conduit un tracteur jusqu'à l'âge de 97 ans, lui et sa femme, Esther, se sont rendus à Toronto, où il a continué à écrire jusqu'à son décès en juillet 2024.